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Crise de l’eau à Mayotte : les lourdes responsabilités de l’Etat

L’eau manque à Mayotte ? « L’eau, c’est la compétence des élus locaux », coupent d’emblée les sources officielles, notamment le ministre délégué aux outre-mer, Philippe Vigier.
Dans ce dossier, pourtant, l’Etat porte une responsabilité éminente. La pénurie sévère qui frappe l’île depuis mars exige des mesures d’urgence exceptionnelles : rationnement des habitants, envoi de millions de bouteilles, mobilisation de l’armée, recherche à la hâte de forages. Depuis la dernière sécheresse qui, en 2016-2017, avait frappé le petit territoire de 374 kilomètres carrés, la crise est demeurée inextricable.
Consultés par Le Monde, des échanges entre la préfecture et le syndicat des eaux, des documents judiciaires, un audit de la Commission européenne et divers rapports de cabinets de conseil mettent en évidence l’impuissance des pouvoirs publics dans le 101e département français : face à une catastrophe prévisible, l’Etat n’a pas pris la main, tout en poussant sur le marché un acteur majeur, le groupe Vinci, qui n’a pas pu respecter son contrat.
Tout commence début 2017, quand le premier plan d’urgence pour l’eau est établi pour Mayotte. Pour prévenir de futures crises, des investissements sont programmés – soit 140 millions d’euros financés principalement par l’Etat et l’Union européenne (UE). Sur l’île de l’océan Indien, la pluie fournit 95 % de l’eau potable, le reste venant du dessalement de la mer. Décision est alors prise de créer deux nouvelles unités de dessalement et, surtout, de quadrupler la production de l’usine existante de Petite-Terre : une nouvelle installation permettrait de la faire passer de 1 300 mètres cubes à 5 300 mètres cubes par jour (12 % de la consommation quotidienne actuelle).
La préfecture fait part des intentions de l’Etat sur ce projet majeur, le 25 août 2017, au président du Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (Sieam). Celui-ci ne semble guère avoir le choix : « Il est impératif de rendre opérationnelles ces unités de production au plus vite. Il a été convenu que le Sieam confiera cette opération à son délégataire, la SMAE [la Société mahoraise des eaux], par voie d’avenant au contrat de délégation de service public de production d’eau potable », lui écrit le service de l’Etat.
La SMAE, filiale du groupe Vinci, est titulaire depuis janvier 2008 d’une concession du syndicat intercommunal, pour produire et distribuer l’eau potable – un contrat de 17 millions d’euros par an. La voilà chargée d’attribuer le nouveau marché et d’en diriger les travaux, sur un métier qu’elle ne connaît guère et que le groupe Vinci n’a pas l’intention de développer, la désalinisation. L’usine existante n’a jamais produit la quantité d’eau prévue.
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